J’entends souvent en consultation : « qu’est-ce je dois dire ou ne pas dire à mon conjoint ? » « si je ne raconte pas tout à ma famille, ils vont me rejeter » mais au fond l’intimité, qu’est-ce que c’est ?
L’intimité correspond à notre monde interne : nos pensées, nos émotions, nos rêveries.

 

L’intimité, c’est ce qui est intérieur et secret

 

D’après le dictionnaire Brockhaus, l’étymologie « intim » vient du latin intimus.
Être intime avec quelqu’un c’est « connaître très bien quelqu’un, y compris beaucoup de ses secrets que les autres ne connaissent pas, lié par une relation de confiance avec l’objet de connaissance. Au sens figuré, « intim » signifie ce qui est caché profondément dans quelqu’un comme les pensées et les désirs ardents.
L’intimité est un besoin essentiel. Elle concerne l’individu dans son intériorité et les liens privilégiés qui l’unit à ses proches.
Le mot secret vient du mot latin, secretum, secretus (adj.), secerno (participe passé) qui signifie séparer, mettre à part. La fonction principale du secret est le désir de dissimuler à un tiers.

 

L’intimité : d’où vient-elle et comment se construit-elle ?

C’est dans la relation de la mère avec son nourrisson que naît le premier lien d’intimité. Celui-ci n’est possible que si la mère est autorisée, protégée et reconnue par un tiers et qu’elle possède une structure psychique la protégeant suffisamment de l’émergence d’angoisses. Ce n’est que dans cette situation là, qu’elle peut s’engager dans l’intimité avec son nouveau-né et lui proposer cette expérience commune d’élaboration du désir.
Le nouveau né survit dans la relation fusionnelle qui l’unit à la mère. Il n’a pas de soi. Puis, il grandit et prend conscience qu’il existe un dehors et un dedans, lui donnant l’idée d’un soi donc d’une intimité :
* corporelle (ceci est mon corps, je le protège, et j’en dispose comme je l’entends)
* comportementale (mon pouvoir faire)
Pour avoir une intimité, il faut donc être doté d’un Soi. Le soi est notre individualité entière, vue de manière objective. C’est donc notre être véritable. Selon C. Jung, le soi désigne tous les constituants du psychisme qui fondent l’individu, conscients et inconscients.
L’enfant, vers 4 ans, comprend ce qu’est un secret et ce qu’est mentir.
A partir de 8 ans, le droit au secret est compris. Il comprend qu’il peut ne pas tout dire de lui si il ne veut pas le faire.
Vers 12 ans, l’enfant estime avoir le droit de cacher des choses à ses parents.
Cette intimité est un prétexte à confrontation avec autrui : papa, maman et ensuite les autres toujours susceptibles de nous la refuser.
Dans cette période de l’adolescence, l’intimité se met à exister réellement car l’individu est reconnu responsable de ses pensées, de ses choix vestimentaires, musicaux etc..
Il n’existe pas d’intimité « vraie » sans autorisation ni validation de la société qui assure en retour sa protection : le droit à la vie privée !
Robert Neuberger, psychiatre, psychothérapeute de famille français contemporain, estime que la conquête de l’intimité relève du parcours du combattant : les conduites à risque de l’adolescence, les fréquentations douteuses, les drogues, la moto, l’absentéisme scolaire, l’anorexie, etc.. en font partie.
L’attitude parentale et leur conception en ce domaine va peser grandement sur la conquête de l’intimité de l’adolescent.
En effet, différents types de parentalité existent et va engendrer des comportements différents chez les adultes en devenir. On peut remarquer que :
* des parents qui ont des tendances paranoïaques vont être méfiants vis à vis de l’extérieur et légueront leur propre besoin de construire une intimité opaque, défensive comme une forteresse dans laquelle on se renferme.
* certains parents vont épier les faits, les gestes et les pensées de leur enfant et sèmeront l’idée qu’avoir un jardin secret relève du « pur égoïsme ».
* d’autres parents interdiront à leur enfant l’expression des désirs propres à leur genre entravant ainsi l’accès à leur intimité physique.
* D’autres encore utiliseront leur enfant comme confident en les empêchant d’avoir une vie à eux.
Ces différents comportements parentaux vont empêcher les adolescents de devenir des adultes capables de protéger et défendre leur intimité contre les intrusions, d’amis, de parents, du travail etc…
Les relations avec les pairs ou les êtres qui servent de modèle, viendront tempérer les influences parentales et aideront à la consolidation du soi et du cocon d’intimité protectrice.
On remarque ici que l’enjeu est de taille car tout au long de sa vie, l’individu transporte avec lui la relation à l’intime élaborée pendant l’enfance et l’adolescence.

 

Les différentes formes d’intimité

L’intimité individuelle selon Robert Neuberger, est réellement acquise vers l’âge de 22 ans. A cet âge là, plus personne ne peut contester notre droit de penser, de sortir, nous habiller et nos choix de fréquentations.
Puis l’individu va rencontrer une personne. On parle ici d’intimité conjugale. L’autre dans la relation de couple va entraver nos pulsions. Cependant, lui seul nous permet de nous sentir aimable et de légitimer notre existence. Il est donc important de savoir poser ses limites et sa limite du tolérable, limites établies en fonction du ressenti et du vécu de chacun.
Puis à l’arrivée des enfants, une autre intimité apparaît, l’intimité familiale. Cette intimité va bousculer l’intimité conjugale qu’il s’agira de protéger, en se retrouvant par exemple, sans les enfants pour dîner, sortir, s’amuser.
La complicité qui alimente l’amour et le désir est en effet indispensable à la relation de couple.

Pour conclure, le besoin d’un être humain est d’avoir des aires secrètes pour maintenir son équilibre psychologique.
D’un côté, ses secrets, lui permettront de cultiver sa vie intérieure, de contrôler l’accès d’autrui à son moi. (le moi étant la partie de nous-mêmes dont on a spontanément conscience, parce que extérieure et visible). L’individu s’arrogera aussi celui de choisir les pensées qu’il communique et celles qu’il garde secrètes.
D’un autre côté, ils lui permettront d’établir des relations humaines grâce aux confidences et à la confiance mutuelles qu’elles impliquent.
Lors d’une première consultation en psychothérapie, il est tout à fait normal d’avoir des réticences à évoquer son intimité. Le thérapeute devra gagner progressivement la confiance de son patient et sera le garant de la confidentialité de ce qui sera déposé en séance.